Le 26 mars 1907 à 19h35 François Nicolas le gardien du phare du Minou est couché dans son lit quand il entend sa femme crier au feu.
Sans prendre le temps de s’habiller il monte au sommet du phare.
À son arrivée il constate que tout l’intérieur de l’appareil d’optique est en feu. Il ferme rapidement le robinet à air et ouvre le réservoir à pétrole pour dégager les tuyaux.
Il cherche à éteindre le feu, et d’après ses propres déclarations ne peut en devenir maître qu’au bout de 2 à 3 minutes.
Aussitôt il fait éclairer l’appareil d’optique au moyen d’une lampe de gardien.
Il constate que le bouchon du joint du générateur est cassé, et le remplace aussitôt par un autre joint et des rondelles en cuivre.
Après s’être bien assuré de la réparation il rallume le feu à 19h55.
Dans son rapport, François Nicolas va déclarer que
« c’est en voulant serrer le joint qui suintait un peu que ma femme a cassé le bouchon. L’huile aussitôt a couvert le plateau et par la secousse dit elle le manchon en tombant à mis le feu »
Malheureusement l’appareil a beaucoup souffert les anneaux du haut sont bien endomagés.
Le gardien Nicolas demande à l’ingénieur de venir rapidement sur place car malgré ses efforts il ne peut pas bien les nettoyer. En effet il a lavé l’ensemble de l’appareil d’optique à l’esprit de vin (1) et l’a passé au rouge à polir mais il a été impossible de le dépolir
Sur place l’ingénieur Sauvet ne peut que constater que l’incendie avait eu pour résultat de dépolir l’appareil d’optique.
La direction des phares met en doute la version du gardien
Dans un courrier du 23 avril 1907 le baron Emile Quinette de Richemont, directeur des phares et balises ne s’explique pas comment cet accident a pu être provoqué. Si le service a été bien fait à l’allumage, il n’est pas certain qu’il n’y ait pas eu de faute de la part de la gardienne.
Six anneaux de la coupole sont à changer
Quoi qu’il en soit les anneaux de la coupole du numéro 6 à 11 sont à remplacer sur tout leur développement. La direction des phares demande au service central de procéder au remplacement et de faire parvenir au dépôt des phares un morceau de chacun des 6 anneaux détériorés de manière à en reproduire exactement le profil.
Le 29 avril, Monsieur Milon, sous ingénieur des phares et balises se rend au phare du Petit Minou afin de prendre en charge les anneaux de la coupole de l’optique il ne trouve pas le gardien Nicolas. Sa femme lui indique qu’il est alité et malade. Monsieur Milon fait venir le gardien Jezequel du Portzic pour assurer le service.
Le 06 mai 1907 les 6 morceaux d’anneau sont envoyés au dépôt des phares
Inspection surprise au phare du Petit Minou
Le 05 août 1907 l’inspecteur en chef Ribière se présente au Phare du Petit Minou pour une inspection. Il constate que le gardien Nicolas et sa femme sont absents du phare. On lui indique que le gardien se trouve dans un débit de boisson qu’il tient à une certaine distance du phare.
Le phare est dans un grand état de malpropreté, tous les ustensiles de service sont en désordre dans la lanterne à 5 heures du soir.
Il constate par ailleurs que les avaries causées par l’incendie survenu dans la lanterne le 26 mars dernier sont telles que l’appareil optique devrait être remplacé complètement. L’inspecteur ne peut s’empécher de penser que les explications fournies par le gardien sont peu vraisemblables et que l’incendie a du durer un temps assez long. Il estime être fort probable qu’un défaut de surveillance n’est pas étranger à cet incendie et conclut son inspection en indiquant que la responsabilité du service des phares serait gravement engagée si des mesures n’étaient pas prises pour remettre en bon état un phare qui fonctionne mal.
Tout l’appareil d’optique est à remplacer et des sanctions sont prises
Le 21 août la direction des phares indique que des mesures vont être prises pour remplacer l’appareil.
Les gardiens sont sommés de mettre un terme aux négligences qui ont été depuis quelques temps constatées dans le phare.
Par ailleurs les gardiens sont mis en demeure de cesser de tenir leur auberge. Le service veillera à ce que cette cessation soit effective.
De plus la direction propose de réduire le salaire de Madame Nicolas à 300 Frs qui est celui accordé aux femmes de gardiens de Trézien et Kermorvan. Cette réduction étant considérée non seulement comme une punition mais comme une mesure d’unification justifiée par la comparaison des phares précités.
Le service central des phares prépare le nouvel appareil d’optique
Le 15 novembre 1907 la direction des phares indique que les services disposent de l’appareil nécessaire au remplacement intégral du phare du Petit Minou. Il demande de vérifier dans quelles conditions la table de l’optique disponible pourra s’ajuster sur la colonne de l’appareil actuel. Le plan ci-dessous est transmis au dépôt des phares.
L’appareil d’optique de remplacement arrive à Brest
Le 28 février 1908 le service central des phare expédie à Brest une optique avec table de soubassement destinée à remplacer l’optique du phare du Petit Minou. Il indique aux ingénieurs brestois que le remplacement devra être fait dès que les jours seront un peu plus long. Pendant la durée des travaux l’éclairage provisoire du phare sera fait au moyen d’une optique de 0,25 m de distance focale et qui placée au centre de la lanterne sera illuminée au moyen d’une lampe à deux mèches modèle 1874. Des mesures devront être prises pour que le nouvel optique soit monté en un jour afin d’éviter toute interruption de l’éclairage.
Le 07 avril 1908 les phares et balises mettent en service au phare du Petit Minou un feu fixe provisoire en vue du remplacement de l’appareil actuel
Le 27 avril 1908 à l’heure de l’allumage des phares on remet en service au phare du Petit Minou l’appareil d’éclairage qui avait été éteint le 07 avril pour réparation.
Francois Nicolas termine sa carrière de gardien de phare le 1er août 1922, il a 61 ans.
Nous avons sollicité Jean Pierre Le Gall ancien gardien de phare notamment au Petit Minou afin de savoir comment il mettait sous pression le circuit d’huile. Voici sa réponse: « Pour les feux à gaz de pétrole ou autres, les bouteilles d’air étaient gonflées avec une pompe à main, genre pompe à vélo sur pieds, nous on appelait ça un incendie de brûleur et je peux te dire que ça faisait d’énormes dégâts, pour ma part je n’en ai jamais eu en 10 ans à la Jument, mais mes collègues y on eu droit….merci pour la couche de suie dans la lanterne…minimum 3 jours de nettoyage … «
(1) L’esprit-de-vin est l’alcool fort obtenu après la distillation du vin. Ce liquide est transparent et volatil, On l’emploie pour dissoudre les corps gras et résineux. Du point de vu chimique, l’esprit-de-vin est l’éthanol ou alcool éthylique.
(2) « les lentilles à échelon de Fresnel » de Vincent Guigueno historien, enseignant chercheur à l’école des Ponts
Une réflexion au sujet de « La lanterne du Minou est en feu »
Bravo et merci pour cette recherche et toutes ces informations