Un privilège réservé aux adhérents de l’association les Vigies du Minou. Par un samedi matin de ce début mars encore frileux, enfiler la tenue de jardinier, préparer une bonne paire de gants. Choisir méthodiquement l’outil polyvalent qui permettra de couper, débroussailler fougères, ronces sans oublier les terribles épines noires. Vous voilà parés.
Après avoir obtenu les autorisations nécessaires auprès de Brest Métropole et de la mairie de Plouzané, une douzaine de bénévoles ont répondu à l’appel de l’association. Sur le pont, jadis levis, un petit rappel des consignes de sécurité et les nouveaux adhérents guidés par les plus anciens se lancent à l’assaut des douves du fort du Minou. Chacun trouve rapidement sa place selon ses envies, son courage et ses compétences.
Côté Est du fort, un rafraîchissement du grand nettoyage entrepris l’année dernière occupera la matinée de trois bénévoles motivés. Le renfort efficace d’une débroussailleuse est très apprécié.
Côté Ouest, le chantier est plus important et moins accessible. Cependant les pionniers ne reculeront pas devant le taillis de pruneliers sauvages aux épines acérées. On coupe, on scie, on ratissent, on déblaie. On trie les déchets plastiques, canettes et bouteilles de verre! L’essieu rouillé d’un véhicule reste bloqué sous un amas de pierres. Les fossés du fort auraient-ils servi jadis de déchèterie ?
Le temps passe vite, les plus vigoureux ont déjà posé les vestes et les bonnets. Rien de tel pour se réchauffer. On papote, on fait connaissance. Tu me donnes un coup de main pour élaguer ce bosquet?
11 heure, déjà, la matinée passe vite. Dans le thermos le café risque de refroidir et si on faisait une petite pause. A nouveau on discute, les idées germent et s’échangent. Finalement ce fossé Ouest demande plus d’efforts que ce que nous avions prévu.
Discrètement, je m’éclipse pour aller encourager notre deuxième équipe occupée près du lavoir sur le sentier côtier. Deux chantiers pour le prix d’un seront réalisés par les Vigies ce samedi matin. L’ancien local technique des câbles transatlantiques méritait un petit ravalement et un nettoyage de ses abords. Voilà trois autres bénévoles bien occupés pour la matinée. L’idée qui germe sous nos chapeaux serait de laisser à nouveau les lierres s’emparer de cette construction abandonnée et de la faire disparaitre, autant qu’il se peut, dans ce paysage protégé du littoral.
L’eau fraîche de la source coule toujours dans le lavoir nettoyé il y a deux ans.
Sous les lierres un peu d’histoire
Au fort, il est presque midi. Les remparts respirent. L’air va circuler à nouveau autour de la redoute imaginée par Paul Louis de Mollart en 1695. Vauban lui même avait contresigné les plans. Des régiments d’artillerie de Marine veilleront sur le goulet derrière ses batteries.
J’allais oublier, de 1922 à 1940, le fort devient un lieu de villégiature très apprécié des gourmets. La caserne démilitarisée s’embourgeoise au fumet des marmites et des menus proposés par Edmond Torchiot. Jean Gabin et Michèle Morgan seront chassés par l’armée allemande qui va l’occuper quatre longues années. Sur le flan Ouest, les éclats de mitraillages des avions ont laissé les douloureuses traces de la libération. J’allais oublier, nos gardiens de phares, les gardiens de batteries et leurs familles qui l’ont habité. L’air circule à nouveau sous les remparts. Si le fort pouvait nous raconter!
Aux Vigies du Minou, les débroussailleurs d’histoire tentent désormais de s’emparer, tout du moins de mettre en valeur ce patrimoine oublié. Ce samedi matin, satisfaits, ils ont bien avancé.
Crédits photos: © Damien Deschamps – Jean-Paul Ferron – Gilbert Mellaza – Yannick Lenouvel